CHAUD EFROI

CHAUD  EFFROI

– Allo !
– Bonjour monsieur. Vous êtes bien monsieur Alain Ceste directeur du centre pour soins de proximité aux pervers ?
– Oui et vous-même madame ?
– Je suis lsane de Beaupréau, journaliste-écrivain. Je vous appelle sur les conseils de ma mère la marquise Flore de Beaupréau. Vous souvenez-vous d’elle ?
– Bien sûr. J`ai bien connu vos parents pendant la guerre, ils m’avaient accueilli au château lorsque j`étais étudiant. Je vivais côte jardin et eux occupaient les appartements côté cour. Je crois que votre père a fini la guerre très abattu ?
– Oui, il a été fusillé par les Allemands. Nous le pleurons encore mais par contre Mère vit au château.
– Que me vaut cet appel ?
– Je suis en train d`écrire un roman psycho-socio-culturel dont le titre est : Le pervers sur la mer rouge.
J’ai besoin de votre aide car je veux rencontrer un de vos pensionnaires pour authentifier mon récit. Cela vous parait-il possible ?
– Bien sûr. Venez quand vous voudrez. J’aurai un réel plaisir à passer un moment avec vous. Je me souviens de vous enfant avec vos petites nattes, vos jupes volant au vent. En ce temps-là les journées étaient trop courtes lsane tant vous égayiez les allées du parc.
– Vendredi prochain, l4 H ?
– Parfait. Nous avons d’ailleurs un spécimen tout à fait intéressant. A vendredi donc.
– Au revoir et merci.
– Ce n’est rien. Au revoir.
Il fait beau et chaud. Isane est vêtue légèrement. Elle se présente au centre « Vie et pulsions » et elle est introduite fort poliment dans le bureau du Directeur.
– Ah ! Isane, comme vous avez grandi mon enfant !
– Vous n’avez guère changé, en ce qui vous concerne et les quelques cheveux blancs sur votre chevelure sont séduisants.
– Vous êtes trop gentille. Pour vous permettre de mener à bien votre entretien je vais appeler un infirmier. Une Femme seule dans cet univers serait une erreur grossière et friserait la provocation chez ces hommes encore dangereux et manifestement prêts à tout.
– 0h ! Non. Ce n’est pas la peine de déranger votre personnel, vous savez j’ai déjà vécu des aventures difficiles au cours de mes reportages. J’ai souvenir d’une nuit avec sept nains de jardin, en montagne sous la blanche neige. Ce fut géant et très angoissant. Vraiment je peux y aller seule, indiquez-moi seulement dans quel pavillon je dois me rendre.
– Mais vous n’y pensez-pas ! C’est folie !!! Cyrille Lalongue est un pervers notoire, multirécidiviste. Je ne puis vous laisser seule avec lui.
– Je vous assure, vous avez tort de vous inquiéter. Je saurai très bien me débrouiller, j’ai une maîtrise de psychologie avancée en milieu primaire. Dites-moi où me rendre.
– Comme vous voulez. Vous êtes prévenue.
Allez au pavillon Bromure au premier étage, je vais avertir le surveillant. A tout à l’heure et faites attention tout de même !
– Merci. Je viendrai vous raconter.
Isane se rend dans le service, monte au premier étage d’un bâtiment qui en compte quatre plus les combles dont celui de l’égarement qui est de manger du pain perdu…
– Madame, l`homme que vous cherchez est en bas, il vous attend. Vous auriez dû le voir. Retournez au rez-de-chaussée, vous le trouverez. Si vous avez un problème : appelez-moi.
– Bien. merci.
Le soignant referme les portes et elle entend derrière elle un souffle. Un homme mal rasé, pantalon de velours marron serré autour de sa taille par une grosse ficelle, le mégot brun de nicotine humide pendu au coin de ses lèvres monte les premières marches en se frottant les mains.
Machinalement elle commence à gravir en reculant l’escalier menant au second. Il est étroit, fait de bois gémissant et craquant.
– Bonjour monsieur, pouvons-nous parler un instant tous les deux ?
– He, he, hé… répondit l’homme les yeux pétillants et grands ouverts.
Il flottait comme un malaise. Isane continue de monter. L`homme avance toujours l`air malin et volontaire.
– Pouvons-nous parler monsieur ?

– Hé bé, hé, hé…
Il se frotte les mains de plus en plus vite. Ses orbites s’agrandissent !
Deuxième étage, pas d’issue pour Isane. Elle entame son ascension vers le troisième toujours en reculant. Elle manque de trébucher. Les paroles du directeur reviennent dans sa tête en écho aux battements de plus en plus rapides de son cœur.
– Vous êtes prévenue !!!
Il se rapproche. Son mégot est tombé remplacé par un filet baveux. Il respire fort … L’ambiance devient plus que stressante. Les pas dans l’escalier jouent une musique de film d’horreur. Elle arrive enfin au palier du troisième et aperçoit une porte sur laquelle ses pieds donnent du talon.
– Quel est tout ce bruit cria un homme ? Je n’ai pas le droit d’ouvrir.
Isane, la peur au ventre, est contrainte de poursuivre sa montée vers le quatrième et dernier étage. Le patient se rapproche. La salive plus fournie mousse sur sa bouche et dégouline. Il a un sourire qui en dit long sur ses intentions. Le ton lui aussi monte. Isane sent perler à son front des gouttes de sueur alors que son corps se refroidit au fil des minutes. Dans sa tête un orchestre de toms joue une parodie de percussions affreuses et insupportables, tandis que ses jambes ont du mal à la porter. Sur les murs sales les lézardes sont autant d’éclairs dans un ciel de traîne noir et lourd. L`autre suit haletant et goguenard.
– Hé, hé, hé, hé, hé… Hum !!!
Le palier du quatrième, enfin. Pas de porte.
Point de sortie possible. Isane recule. Il se fait plus proche. Elle recule encore. Il est tout près. Il marche sur le bas de son pantalon trop grand provocant sa descente sur ses chevilles, et laissant apparaître une anatomie vieillotte : un vieux canon couleur rose-rouille, le fut éclaté, tourné définitivement vers la terre et posé sur deux petites roues fripées.
– Ah, ah, ah, ah… Son rire découvre quelques dents dispersées et jaunes. Les yeux dévorent l’espace.
Isane ne peut plus reculer : son dos vient de toucher le mur fermant ce palier en impasse. Pas de fuite possible et il est là, presque sur elle. Elle sent son souffle…
– HE, HE… HEEEEEEE…
Il tend les bras… Isane se sent exploser… Le directeur lui avait dit : « Attention, c’est dangereux ». Comme une petite écervelée elle n’avait rien voulu entendre…
– HE, HE,HE, HE, HE…
Les mains du pervers sont proches du corps d’Isane, il va la toucher !!!
Elle resserre le col de son corsage et rapproche ses jambes se préparant à l`assaut.
– Pourquoi n’ai je pas écrit un livre contant l’histoire d’un père blanc sur la mer rouge ? A ne pas faire attention aux couleurs on développe le goût ! Pensa-t-elle. Mon dieu aidez-moi !
Sans doute pour en rajouter la minuterie cesse ses activités. Un petit rai de lumière extérieure éclaire la scène en faisant danser des grains de poussière ridicules.
– AH, AH, AH…
Le malade, au paroxysme, dresse son index droit alors que sa main gauche remonte son pantalon. Elle n’en peut plus, imaginant le pire du pire. Elle ne peut pas crier, sa voix est soudainement morte.
Il lui fait face, excité comme une bête… Il pose son doigt raide sur son sein :

– C’est toi le loup !!!

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