FINALEMENT ON PEUT !

 FINALEMENT ON PEUT !

C’est une belle journée d’été.
Léon dans sa cuisine, au-dessus de l’évier, nettoie son dentier avec une brosse bien dure. Il vient de terminer son petit déjeuner.
L’eau coule d’un robinet de métal. Le jet en est compact et tournoyant au début pour finir avec puissance et éclaboussures dans un bac de grosse pierre polie posé sur un vieux meuble contenant toute l’histoire de la vaisselle familiale bornée de produits plus faciles à lâcher qu’à tenir.
Léon sifflote, enfin essaie, car sans les dents le son est plus près de celui de la bise que de celui du chant d’amour du merle volant à cet instant dans le jardin. Il est heureux et ce matin il va cueillir quelques haricots blancs pour que Germaine prépare un petit plat dont elle a le secret.
Ses yeux regardent la route qui monte vers le col pointant son sommet en protecteur de la vallée où dans un mélange de verdure, d’arbres et de toits rouges, vivote son village.
Léon fin prêt, sort pour aller quérir le matériel nécessaire à l’accomplissement de son projet « cueillette ».
Soudain le bruit d’un gros moteur lui fait tourner la tête. Sur la route qui commence à prendre de la pente montante devant chez lui, un autobus roule rempli de voyageurs dont la couleur des cheveux donne à penser que ce n’est pas une sortie organisée pour les pensionnaires d’un centre aéré… mais bien plus un voyage pour aérer le centre…
Ce n’est pas cela qui étonne notre Léon au point de le voir se mettre à courir vers sa haie en faisant des signes au chauffeur pour le stopper, mais bien le fait que le car recule en circulant vers le haut du col !
– Monsieur, excusez-moi, dit Léon au pilote mais pourquoi qu’vous roulez à r’culons ?
– C`est parce qu’on m’a prévenu que là-haut la descente par l’autre versant est fermée et qu`il n’y a pas de place pour faire demi-tour. Alors je prévois…
– Ah… C`est pas idiot… Ben bonne route.
Le car repart en marche arrière, les passagers ravis d’avoir vu un autochtone en habit régional.
Léon retourne dans son jardin se disant qu’il était drôlement intelligent ce chauffeur et que, maintenant les bagages n`étaient pas que dans le coffre mais aussi dans la tête des conducteurs de car.
Deux heures plus tard Léon le panier bien plein fait le chemin inverse pour déposer les cocos dans la cuisine où l’attend Germaine prête à œuvrer.
L’air sent bon, pas de vent juste une bise qui porte la musique du ruisseau glissant sur les galets en dessous du pont à l’entrée du village.
Léon s’est posé un instant près de la haie où trônent, à proximité, des dahlias géants avec des couleurs que seule la nature peut inventer.
Tout à coup le même bruit que tout à l`heure. En effet revoici notre bus qui redescend de la colline et oh ! stupeur : à reculons !
Léon interpelle une nouvelle fois le chauffeur.
– Ben qu’est-ce qui vous arrive ? Vous êtes encore à la r`cule. C’était une bonne idée de monter en reculant puisque vous ne pouviez pas faire demi-tour au sommet.
– Ben si, si finalement on peut…
Depuis ce jour Léon ne regarde plus passer les cars, c’est tout…

Peuvent ben rouler comme y veulent !!!

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